Tous. Enclins au même destin : festins de charognards, nids puants de milliards de larves, cendres et poussière. Puis la pluie, le vent, le ruissellement… et ce retour, océanique, à la terre nourricière.
Dans le silence, le temps digère.
Nous voici dégradés en corps purs, nos codes génétiques détruits, annulés. Fichiers introuvables.
Nos mots étaient-ils nés de ces absences décomposées ? Avions-nous mis des noms pour mémoire, des mots pour dire qui et d’autres pour dire quoi, pour dire pendant l’absence, ce qui n’est pas et celui qui n’est plus ? Comment avions-nous su dessiner ces passages ? Que savions-nous alors des temps océaniques ? Était-ce d’avoir souffert d’être arrachés du monde le jour où nous naissions pour courir, forcenés, goûter quelque pitance avant de disparaître ? Était-ce pour garder près de soi l'aimé, notre alter ego ?
Les Éphémérales - saison 2 - épisode1 . Sein océan - Collage sur papier torchon - 13x18cm
Les Éphémérales - saison 2 - épisode1 . Pour que tu demeures - encre sur photo imprimée sur papier aquarelle - 25,5x17,5cm
Nos mots disaient l’avant et racontaient l’après, ils disaient le présent et la terre derrière l’horizon. Perchés sur notre langage nous regardions au-delà, élargissant les limites de notre être. Nous devenions le langage et le langage devenait tout.
Dans cet empire de mots, nous devînmes un empire.
Autour du totem, le clan écoutait le chaman réveiller les morts pour annoncer les fils.
Les mots avaient armé les poètes.
Peu à peu, la vie s’installait dans les mémoires.
Le temps s’est étiré.
(à suivre)