Il avait bien fallu trouver des armes, inventer des codes pour ne pas s’entretuer dans la promiscuité d’une grotte insalubre et apprendre à déféquer ailleurs que sur place : à terre, la merde ne tombe plus des arbres.
Apprendre parce que notre conditionnement d’herbivore ne convenait plus ; prendre de la distance avec notre propre nature pour définir, par nous-même, une autre possibilité d’existence.
Extraordinaire articulation de savoirs, inépuisable pouvoir du démiurge et infatigable facteur de distanciation, je crois que le langage a permis cette mutation. Il devint notre être, il devint Dieu : tous les savoir, tous les pouvoir mais pas une once de chair.
On aurait tant aimé qu’il existât bel et bien cet être parfait, sensé, immortel : juste des mots sans cette saleté de nature prédatrice et exposée !
Las !
Sus aux pulsions, haro sur la libido !
Tout n’est que mots, calme et volupté dans le jardin d’Eden…
Seulement, voilà, « le singe nu est fier d’avoir le plus gros cerveau de tous les primates, mais il s’efforce de dissimuler le fait qu’il a aussi le plus gros pénis, préférant attribuer cet honneur au puissant gorille. » ( Desmond Morris, Le Singe nu, 1967. Trad. française, Grasset, 1968.)
Et Eve d’être accusée de tous les maux parce qu’à sa vue Adam ne put rien cacher de sa nature : elle déferlait en tsunami le long de son arrête dorsale et se concentrait là, pleine de vies, à la souche de son ventre.
Ephémérales 2 – Adam et Eve (Tribute to Michel-Ange et Dürer). Technique mixte sur papier torchon – 46 x 61cm.
Que voulez-vous, là d’où nous venons…
Ephémérales 2 - L’Origine du Monde (tribute to Courbet), superposition sur papier torchon, 20 x 25 cm.