Il avait eu faim trop souvent sur ce ruban de terre qui longeait la barrière océane.
Il vivait depuis longtemps dos au couchant, exsangue, guettant la progression des populations de Sapiens qui s’installaient en nombre le long des rivières en amont et souillaient les ruisseaux.
Malades, coincés sur un territoire inadapté, affamés par la disparition du gibier comestible, les siens disparaissaient et les ventres vides ne s’emplissaient plus d’enfants. Son peuple s’étiolait.
Cette nuit, des feux avaient brûlé sur la colline. Dans deux lunes, il devrait quitter cette place et abandonner aux vainqueurs la sépulture des siens.
Pour aller où ? Sapiens avait pris les pays du Levant et l'immensité marine barrait la route du Couchant.
Quand ils vinrent, Neandertal ne lutta pas. Il souffla juste, quand la pointe d’os lui traversa la poitrine : « Ô que ma quille éclate ! Ô que j’aille à la mer ! » (1).
(Portugal. Env. - 25 000 avant JC)
Derrière les herbes hautes se cachait un corps mort. un « Dormeur du val » terrassé comme tant d’autres, en plein cœur du printemps.
Nous souffrons, je le crains, d’un syndrome de répétition.
Le Dormeur du val. Collage et technique mixte sur papier torchon. 20 x 26 cm
(1) Arthur Rimbaud. Le Bateau ivre. Poésies.
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